Afrique du Sud : Risque d’une nouvelle flambée de violences xénophobes

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Cap town,le 20.02.2022.Plusieurs centaines d’hommes et de femmes, en colère, ont envahi les rues de Soweto. Ils pestent contre la situation de sans emploi et donc sans argent, qui est la leur depuis longtemps. Et Ils n’ont pas cherché ailleurs les raisons de cette situation d’extrême pauvreté. Pour eux, ce sont les <<étrangers>> qui seraient à la base des maux qui minent leur pays, notamment le chômage endémique. Accusant les <<étrangers>> d’être à la base de leur pauvreté, ces Sud-Africains ordinaires étaient très déterminés à arriver aux extrêmes. Par vagues successives, armés de gourdins et autres armes blanches, ils ont pris d’assaut le centre pour réfugiés de Soweto.

Leur message était clair: <<Étrangers, rentrez chez vous>>. Sithulisiwe Chinora, une Zimbabwéenne de 22 ans, contactée par akondanews.net, craint pour sa vie et celle de son bébé. <<J’ai pensé que c’était le jour où j’allais mourir>>, s’inquiète-t-elle transit de peur.

L’Afrique du Sud est épisodiquement en proie à des flambées de xénophobie. Soixante-deux personnes ont été tuées dans des émeutes chauvinistes en 2008. De violents heurts ont éclaté en 2015, 2016 et encore en 2019. Depuis le début de cette année, janvier, un mouvement baptisé <<Opération Dudula>> qui signifie <<refouler>> en Zoulou, monte en puissance. De quelques centaines de manifestants encore le week-end dernier, le mouvement est passé à 2000 activistes ce samedi à Johannesburg.
Dans le centre communautaire méthodiste de Soweto, qui abrite une centaine de familles de migrants, la rumeur d’un raid courait depuis quelques jours. Un dimanche de ce mois de février, les résidents ont vu arriver une foule armée de « sjambok », ces redoutables fouets traditionnels zoulous en peau d’animal, hurlant <<les étrangers volent les emplois des Sud-Africains>>.
Les rideaux de fer et les grilles des commerces n’ont pas été fermés à temps et le risque d’un jet de cocktail Molotov a semé la panique parmi ces étrangers qui s’étaient réfugiés dans les chambres. Faisant craindre le pire. Le père Paul Verryn, qui a créé le centre, l’affirme sans détour: <<Ce sont des militants racistes qui visent clairement les étrangers>>.

<<Sud-Africains en Afrique du Sud>>

A Hillbrow, un quartier déshérité de Johannesburg qui compte une importante population de migrants, 2.000 Sud-Africains ont crié leur <<ras-le-bol des étrangers>>. Ce samedi, munis de drapeaux nationaux et de bâtons, ils ont proféré des menaces de mort sous les fenêtres d’immeubles aux fenêtres trouées. <<Nous voulons reprendre notre pays, notre espace est occupé par les étrangers>>, a lancé Bhekani Thusi, 38 ans un des manifestants en furie. Pour lui, les migrants sont responsables du trafic de drogues, des gamins à la rue et de tout ce qui va de travers dans le pays.
La proximité de « l’Opération Duduala », qui se dit pacifiste, avec des mouvements politiques est floue. Les manifestations rassemblent indistinctement membres d’une organisation active lors des émeutes xénophobes baptisée « L’Afrique du Sud d’abord », et vétérans de la branche armée de l’ANC appelée Umkhonto we Sizwe (MK, « le fer de lance de la Nation »), qui a récemment pris ses distances avec le parti historique au pouvoir depuis son démantèlement.

Le leader, Nhlanhla Lux Dlamini, un militant d’une trentaine d’années originaire de Soweto, invariablement vêtu d’un treillis militaire et gilet pare-balles lors de ses apparitions publiques, a expliqué vouloir <<défendre l’avenir des Sud-Africains>>. Cet opposant s’est particulièrement rendu dans les magasins appartenant aux Sud-africains pour exiger que les employés étrangers soient licenciés.
<<C’est la loi: tout travail ne requérant pas de compétence particulière appartient aux Sud-Africains en Afrique du Sud>>, rappelle-t-il à qui veut l’entendre.
Le pays compte 3,95 millions d’étrangers, selon les statistiques officielles, sur une population de près de 60 millions d’habitants. La première puissance industrielle du continent lutte contre 35% de chômage mais attire de nombreux migrants africains.

une marche de protestation contre la xénophobie en Afrique-Sud

<<Même s’ils expulsaient tous les immigrés, ça ne changerait pas le niveau de criminalité, ni celui du chômage>>, a prévenu Jay Naidoo, premier secrétaire général de la principale centrale syndicale (Cosatu).
Pour le moment, les manifestations ont engendré des tensions mais pas encore de violences corporelles. Les militants prennent soin de ne pas franchir la ligne rouge. <<Le droit de manifester est inscrit dans la constitution, et pour l’instant, rien ne relève du pénal>>, a expliqué une source policière à Akondanews.net.

Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a mis en garde cette semaine contre des <<rassemblements essayant de fomenter des sentiments et attitudes négatives>> à l’égard des étrangers, assurant que les services de sécurité sont à l’œuvre.
Pour sa part, le gouvernement a promis au début du mois de février de plancher sur une loi instaurant des quotas d’employés étrangers dans les entreprises sud-africaines.

Raphael LUMOO
Akondanews.net

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