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S’il y a eu une affaire qui a défrayé la chronique et tenu toute la Côte d’Ivoire en haleine en 2004 et bien après, c’est bien la disparition de M. Guy-André Kieffer. Journaliste d’investigation franco-canadien, M. Kieffer serait entrain de mener des investigations sur la filière café-cacao où de gros intérêts étaient en jeu, quand il disparait de la circulation à Abidjan le 16 avril 2004, alors qu’il avait rendez-vous avec feu Michel Légré qui se trouvait être le beau frère de Mme Simone Gbagbo .
Ce rapprochement entre la disparition du journaliste et la famille Gbagbo (par le biais de feu Michel Légré) suffit pour conclure à une implication du Président Gbagbo dans cette scabreuse affaire. En effet à cette période il fallait absolument accuser Gbagbo de tous les péchés d’Israël pour mieux le cerner, l’acculer et le dégager. Il fut donc lui et son épouse accusés d’être à l’origine de la disparition du journaliste ou même de son meurtre. Toute la presse hexagonale et celle de l’opposition ivoirienne d’alors se mirent en branle pour accabler le couple présidentiel.
Le juge français Ramaël, alors chargé du dossier, ne menait ses investigations que sur la piste pouvant mener à Gbagbo . Aucune autre piste ne semblait l’intéresser ou ne retint son attention. Montant sur ses grands chevaux, il piétinait allègrement toutes les convenances et autres accords de coopération existant entre la France et la Côte d’Ivoire en matière de justice. Il se plaignait constamment des obstructions que les autorités ivoiriennes faisaient à son enquête. Les autorités françaises n’étaient pas en reste reprochant aux autorités ivoiriennes de ne pas faciliter la tâche au juge Ramël parce qu’elles avaient des choses à cacher.
Une dame fut présentée comme l’épouse de M. Kieffer donnant des interviews à tout va, suppliant le président GBAGBO de lui rendre son époux. Une deuxième dame aussi présentée comme l’épouse de M. Kieffer entra également en scène sans oublier ses frères et sœurs. Tous faisaient chorus pour accuser le couple Gbagbo.
La presse française très en verve quand il s’agit de Gbagbo, était prolixe à expliquer le scénario de la disparition avec des reportages bien orientés, et des affirmations sans preuves. Désormais dans leurs narratifs M. Michel Légré a perdu son identité pour n’être présenté que comme « le beau frère de Mme Simone Gbagbo » ; juste pour suggérer aux auditeurs et téléspectateurs de tourner leurs regards vers le couple Gbagbo s’il y avait des coupables à rechercher.
Au cours des investigations, la découverte d’un squelette au bord d’une rivière suscita beaucoup d’espoirs chez les accusateurs, croyant avoir enfin trouvé la dépouille de M. Kieffer, ce qui confirmerait la thèse de sa mort commanditée par les autorités ivoiriennes. Malheureusement l’analyse de l’ADN a révélé qu’il ne s’agissait pas du journaliste disparu. C’était certainement le squelette d’un ivoirien mort par noyade et inhumé au bord de la rivière comme le veut la tradition. C’est peut-être quelqu’un qui de son vivant aurait voulu découvrir Paris la ville-lumière. Il n’eut pas cette opportunité mais son squelette plus chanceux a eu ce privilège là!
Aujourd’hui, cela fait des années que le couple Gbagbo n’est plus aux affaires. Beaucoup de personnes avaient pensé alors que plus rien ne pouvait empêcher le juge en charge du dossier de mener ses investigations et nous dire exactement ce qui s’est passé. D’autant plus que M. Ally Coulibaly, ex-ministre de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur déclarait le 13 avril 2011, alors qu’il recevait des parents du disparu : « Cette affaire a longtemps connu des obstructions dans la manifestation de la vérité. A un moment donné, les auteurs de l’enlèvement de Guy André Kieffer ont bénéficié d’une protection. Cette situation est terminée, la justice passera. »
Mais aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est le silence radio aussi bien du juge en charge du dossier, des autorités françaises, des autorités ivoiriennes, de la presse hexagonale que de la presse proche du pouvoir ivoirien . A croire que l’affaire Kieffer n’intéresse plus personne. Quand on voit le juge Ramël à Abidjan, c’est pour arpenter les couloirs du palais de la Présidence de notre pays, certainement pour trouver des réponses à son angoisse existentielle !
Les parents du disparu se sont eux aussi emmurés dans un silence assourdissant, donnant l’impression d’avoir fait le deuil du journaliste. La recherche de la vérité n’était utile que si elle permettait de trouver des moyens pour accabler Gbagbo, et se donner les coudées franches pour le dégager. Maintenant que l’objectif de dégager Gbagbo est atteint, que Kieffer ait disparu, qu’il soit mort ou vivant sous une autre identité, semble n’avoir aucune espèce d’importance. Ce fut juste le chiffon rouge qu’on agitait à dessein quand on cherchait à nuire à Gbagbo.
Mais toute la lumière doit être faite sur cette affaire. Il est inacceptable qu’elle demeure dans l’impasse après qu’on a porté atteinte à l’honneur et à la dignité d’honorables personnes. Cela est d’une absolue nécessité pour que nous en tirions des leçons pour aujourd’hui et surtout pour demain. Demain est certes un autre jour, mais demain arrive toujours.
Soyez sans crainte, je suis dans la révélation
L’ivraie sera séparée du vrai
NAZAIRE KADIA, Analyste politique