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Le village d’Adjamé Bingerville s’est vidé, ce mardi matin, de sa population. Celle-ci s’est massivement déplacée au tribunal d’Abidjan Plateau pour témoigner de son attachement indéfectible à son chef Mobio ABOUSSOU Guy Georges dans le litige qui oppose la chefferie du village au sieur Awouaka Agbo Alfred Ghislain.
Ce dernier qui s’est prévalu de deux extraits de naissance avec deux dates de naissances différentes, est poursuivi pour faux et usage de faux dans ses états civils. L’affaire paraît anodine parce qu’on se demanderait pourquoi un natif du village d’Adjamé peut-il faire l’objet de poursuites par ledit village pour une affaire aussi banale.
Oui l’affaire semble ordinaire mais elle est bien complexe. Cette affaire est en réalité liée au conflit de chefferie qui secoue le village d’Adjamé Bingerville depuis l’année dernière. En effet le prétendu Awouaka Agbo Alfred Ghislain est détenteur d’un arrêté à lui accordé par l’administration ivoirienne contrairement aux règles de gestion qui régissent les villages Atchans depuis des lustres.
Et pourtant la génération au pouvoir, les Tchagba, selon les lois du village, a choisi comme chef l’honorable Mobio ABOUSSOU Guy Georges. Ce dernier est celui qui siège à la chefferie quand le nommé Awouaka Agbo Alfred Ghislain est interdit de séjour au village où il est même banni.
Mais le problème qui se pose est que la structure sociale ou encore l’organisation politique et sociale du peuple Atchan est régie par le système des classes d’âge dans lequel le pouvoir revient à chaque catégorie selon une période donnée.
Le nommé Awouaka Agbo Alfred Ghislain fait partie de la génération Tchagba actuellement au pouvoir dans les différents villages Atchan parce qu’il est né en 1974. Mais contre toute attente, il obtient son arrêté de l’administration ivoirienne avec la date de naissance de 1984.
Du coup, il se pose un problème générationnel. Ses amis de génération et donc du même âge ne savent plus s’il s’agit de la même personne ou pas. S’il est né en 1984 comme indiqué dans l’arrêté, alors il appartient à la « Génération Blessouè »qui n’a pas encore atteint la maturité autorisée par la loi coutumière pour accéder au pouvoir, d’où la plainte portée contre lui.
Pour les habitants d’Adjamé Bingerville sortis massivement pour assister à l’audience, cette plainte a lieu à cause des troubles que l’homme ne cesse de causer au village depuis l’arrivée au pouvoir de la « Génération Tchagba ». C’est la journée du 1er février qui a donc été choisie par les autorités judiciaires pour statuer sur ce cas après une première audience en janvier dernier.
Au cours de cette audience, l’avocat de l’accusé a présenté une loi d’amnistie qui, stipule-t-il, dépénalise toute infraction de ce genre sur l’état civil. Contre cette affirmation s’est dressé l’avocat de l’accusation pour dire que la loi d’amnistie en question ne concerne que les personnes qui n’ont jamais eu de papiers d’identité, ou qui ont eu des papiers égarés, ou qui ont usurpé des papiers pour faire des études. Or dans cette affaire, expliqua l’avocat des plaignants, l’accusé Awouaka, est détenteur de documents d’identité qui existent dans les bases de données, il s’en est servi bien longtemps avant de décider, pour des raisons qui lui sont propres, de s’en défaire pour réaliser de nouveaux documents d’identité dans lesquels il est né à Azaguié. Après les échanges entre les différentes parties, le juge a renvoyé l’affaire au 22 février pour le délibéré.
Mais la tension entre les deux clans est vive et risque de susciter des affrontements les jours qui arrivent au regard des menaces entendus durant cette journée dans les locaux du tribunal du Plateau. C’est pourquoi, les autorités compétentes notamment, le gouvernement ivoirien, se doit de suivre de près cette affaire avec beaucoup de réalisme et de sagesse politique afin d’éviter le pire.
Patrick Krou