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Dans le paysage énergétique ivoirien, les contrats gaziers occupent une place centrale, influençant directement les factures d’électricité qui pèsent lourdement sur les ménages et les entreprises. Dans ce rapport rédigé par le Dr Ahoua Don Mello, nous plongeons dans les mécanismes complexes de ce secteur crucial, mettant en lumière les enjeux économiques, politiques et sociaux liés à ces contrats. À travers une analyse approfondie, ce document expose les recommandations des experts nationaux, les choix politiques qui les entourent, et l’urgence d’agir pour soulager le peuple ivoirien en réduisant le fardeau financier de l’électricité.
par Ahoua Donmello
Le secteur de l’électricité est composé de trois sous-secteurs:
1. le sous-secteur transport, distribution et vente de l’électricité. Il constitue un monopole privé géré par la Compagnie Ivoirienne de l’électricité (CIE) dont le contrat est échu en 2005 et renouvelé pour 15 ans. Bouygues s’est retiré de ce secteur pour faire rentrer l’assureur français AXA actionnaire du Groupe ERANOVE qui détient la majorité du capital de la CIE.
2. Le sous-secteur production. Il est libéralisé et fait l’objet de concession à durée déterminée à des privés qui rétrocèdent à l’Etat à la fin de la concession. La CIE gère pour le compte de l’Etat les barrages hydroélectriques qui appartiennent tous à l’Etat. La production thermique qui assure 75% de la production, est réalisée par les centrales thermiques de Vridi, CIPREL (propriété du Groupe ERANOVE). AZITO, AGGRECO
3. Le sous-secteur Gaz est contrôlé à 75% par Foxtrot, propriété des frères Bouygues. Son contrat a été prolongé par le gouvernement jusqu’au 04 avril 2024 (avenant n°4). Les 25% restants sont produits par CNR (Canadian Natural Ressources) qui produit du gaz associé au pétrole des champs Espoir et Baobab, AFREN, PETROCI (détenteur depuis 2003 des gisements Panthère et Lion. Ce dernier gisement contient du gaz associé au pétrole).
Selon le mode de gestion du secteur de l’électricité, la fixation du prix payé par le consommateur fait l’objet d’un décret. L’ensemble des ressources constituent le chiffre d’affaires du secteur perçu par la CIE et redistribué par ordre de priorité à chaque sous-secteur selon les contrats de concessions signés avec l’Etat. Le secteur gaz a la priorité absolue, après suit le secteur des centrales thermiques. En 2014, le chiffre d’affaires était de 418,4 milliards de FCFA.
L’eau est gratuite pour faire fonctionner les turbines des barrages hydroélectriques qui assurent le 1/3 de la production. le gaz est payant et constitue le coût le plus élevé dans la production de l’énergie électrique. Il était de 2/3 du chiffre d’affaires en 2011. En Côte d’Ivoire les 2/3 du gaz sont extraits des forages en mer par l’entreprise Foxtrot, propriété des deux frères BOUYGUES et non de la société Bouygues. Jeune Afrique avait écrit sur son site du 11 septembre 2015 à 15h47, « Côte d’Ivoire, les frères BOUYGUES se retirent complètement des secteurs de l’eau et de l’électricité » sans préciser que les frères BOUYGUES y sont toujours dans le sous-secteur gaz qui fait partie intégrante du secteur électricité. Cette opération de communication a permis de créer un écran de fumée et de cacher aux Ivoiriens le super profit réalisé par les frères BOUYGUES avec le gaz ivoirien. Ce profit est sans commune mesure avec celui réalisé dans le sous-secteur distribution avec la CIE.
Selon le rapport du séminaire organisé par les experts ivoiriens sous l’égide du gouvernement en Novembre 2012 dont le thème était «Defis et enjeux du secteur de l´energie en Côte d´Ivoire : Mesures d´urgence et plans à moyen et long termes.», le constat était sans équivoque :
« Si la situation électrique de la Côte d’Ivoire peut paraître enviable en comparaison avec la plupart des pays de la sous-région, il n’en demeure pas moins que depuis maintenant plus de deux décennies, elle est confrontée à des difficultés qui ont progressivement entrainé un déséquilibre financier qui, à fin 2010, avoisinait les 200 Milliards de FCFA. Au nombre de ces difficultés figurent le coût trop élevé du gaz dont dépend au 2/3 l’électricité produite »
La recommandation des experts ivoiriens était sans appel : « Renégocier à la baisse le prix du gaz naturel (gaz sec/ gaz associé) »
Nos courageux experts ne se sont pas arrêtés là, ils ont même fixé le montant annuel de réduction du coût du gaz : 127 milliards de FCFA par an dont 100 milliards avec les frères BOUYGUES contre un déficit annuel du secteur de 63 milliards de FCFA !
Le courage des experts ivoiriens venait contredire le FMI qui recommandait une augmentation des tarifs de l’électricité le 12 Mai 2012 soit six (6) mois avant les experts ivoiriens qui ne l’ont pas suivi dans ses élucubrations. Comme à son habitude, le FMI avait probablement suscité ce séminaire pour avoir l’adhésion des experts ivoiriens à sa thèse.
« Le Fonds Monétaire International a appelé, à des réformes dans le secteur de l’énergie en Côte d’Ivoire, à l’occasion du versement des 100 millions de dollars d’un prêt au pays, soit environ 50 milliards de FCFA. Le FMI a appelé à assurer l’avenir de la Compagnie Ivoirienne d`Electricité (CIE) par « de nouvelles mesures, y compris des hausses des tarifs » ». Rapporte le quotidien Notre Voie dans sa livraison du 14 Mai 2012.
Les experts ivoiriens n’avaient pour seule préoccupation que les intérêts du sieur Atagblin qui veut améliorer sa condition de vie tandis que les experts du FMI se préoccupait plus des deux frères BOUYGUES qui empochent indûment 100 milliards de FCFA par an en vendant aux ivoiriens leur propre gaz contre 50 milliards d’aide du FMI!
On voit bien que l’aide à l’Afrique rapporte gros aux généreux donateurs et fait perdre beaucoup à l’Afrique.
Pourquoi M. Ouattara a préféré tendre la main au lieu de se prendre en main ? Pourquoi M. Ouattara a préféré l’aide à la souveraineté économique ? Pourquoi le Dr. Ouattara a préféré l’expertise internationale à l’expertise nationale?
Comment nos experts sont-ils arrivés à la conclusion qu’on peut réduire le coût du gaz et donc les factures d’électricité et pourquoi le gouvernement ne pouvait pas suivre les recommandations de nos experts ?
En effet le contrat qui lie les frères BOUYGUES à l’Etat ivoirien sur les anciens forages du bloc CI-27 pour la production du gaz était arrivé à expiration, par conséquent, le gaz et les équipements pour l’extraire devenaient la propriété des ivoiriens, donc le gaz devenait gratuit comme l’eau des barrages hydroélectriques et les frères BOUYGUES n’avaient pas le droit de vendre aux ivoiriens leur propre gaz. Il était donc possible d’économiser le profit sur le gaz des anciens forages en confiant la gestion à la PETROCI, société d’Etat qui opère déjà sur les gisements Panthère et Lyon depuis 2003 par la volonté de Laurent GBAGBO et donc qui possède toute l’expertise nécessaire pour assurer la gestion du gaz pour le compte de l’Etat. Le Dr Ouattara a préféré prolonger le contrat des frères BOUYGUES (après le consentement d’une légère baisse du prix du Gaz) jusqu’en 2024 pour vendre aux ivoiriens leur propre gaz! On peut imaginer les dessous de table qui ont conduit à une telle décision grave de conséquence pour la compétitivité de l’économie du pays et la vie des citoyens. Une telle aide de la Côte d’Ivoire aux frères BOUYGUES ressemble à un remboursement de la gratuité de l’électricité aux rebelles de 2002 à 2011 et un impôt sur chaque citoyen pour rembourser les frais des bombes qui se sont abattues sur la Côte d’Ivoire. Près de la moitié du paiement effectué par chaque ivoirien en réglant sa facture d’électricité, finance cet « impôt de capitation » qui ne dit pas son nom. Christophe BARBIER ne croyait pas si bien dire lorsqu’il déclarait à la chaîne de télévision française LCI au lendemain de l’arrestation de Laurent GBAGBO par les forces françaises « Nous leur ferons payer la facture de la guerre……en matières premières, en énergie »
En plus, l’étude qui a servi de base au contrat de partage à durée limitée du gaz ivoirien aux frères BOUYGUES, conduite sous la maîtrise d’œuvre du BNETD, a conclu à un équilibre financier au profit des frères BOUYGUES de 20$ le baril de pétrole comme prix de référence, le prix du gaz étant indexé au prix du pétrole dans le contrat. Entre 2000 et 2010, le prix du baril a monté d’une manière extraordinaire avoisinant les 100$ le baril. Selon le contrat « take or pay » qui lie les frères BOUYGUES à la Côte d’Ivoire, le gaz est vendu au secteur électrique en référence au prix du pétrole sur le marché international. Le trop plein perçu par les opérateurs gaziers n’a pas fait l’objet d’un partage avec le gouvernement ivoirien pris en otage par le hold-up de la Côte d’Ivoire par la Françafrique de 2002 à 2010. Un audit sérieux par des experts nationaux peut permettre de prouver sans grande difficulté que le cumul du trop-plein perçu dépasse largement le cumul des déficits ainsi que les investissements actuels du secteur qui ont servi de prétexte pour renouveler les contrats de concession. Le renouvellement du contrat de la CIE et des contrats gaziers s’inscrit dans le cadre de ce hold-up ayant pour conséquence un mariage forcé entre les françafricains et le peuple de Côte d’Ivoire. Les ressources issues de ce mariage forcé sont donc des biens mal acquis qui méritent d’être rétrocédés au peuple à travers un vrai procès après un audit. Annuler purement et simplement ces contrats gaziers et confier la gestion à PETROCI pour soulager le peuple ivoirien en réduisant les factures d’électricité n’est que justice. La désignation par appel d’offre des responsables des structures de l’État a montré toute son efficacité. Il reste à instaurer le principe de rendre compte aux représentants du peuple élus selon des règles consensuelles pour assurer une bonne gouvernance de l’État et de ses sociétés. Il n’y a aucun argument technique ni financier qui justifie ces mariages forcés.
Ce qui est vrai pour l’électricité l’est autant pour tous les secteurs stratégiques de l’État (téléphonie, eau, cacao, pétrole, travaux publics, marchés publics, banques). L’émergence du bien-être du peuple de Côte d’Ivoire passe par la souveraineté des secteurs stratégiques.
La leçon qu’il faut tirer du secteur électricité en Côte d’Ivoire et qui est valable pour tous les autres secteurs, est que l’Afrique n’a pas besoin d’aide mais de souveraineté économique. Elle n’a pas besoin d’experts internationaux mais de bonne gouvernance qui fait confiance aux experts nationaux et qui se débarrasse du complexe d’infériorité et de la corruption.
La souveraineté est une conquête permanente du peuple dans tous les domaines. Elle appartient au peuple. Aucun individu et aucune section du peuple ne peut en abuser pour longtemps.
La mesure qui permettra de baisser la facture des ménages et des opérateurs économiques, est l’annulation pure et simple du renouvèlement des contrats gaziers issus d’un hold-up de la françafrique en confiant la gestion à la PETROCI. Ces mesures permettront de réduire le coût de l’électricité en supprimant les énormes profits injustifiés qui ressemblent à un «impôt de capitation » payé à la françafrique.
Le bonheur des françafricains n’a pas le droit de prospérer sur le malheur des citoyens ivoiriens.
Dr DONMELLO Ahoua
Extrait de » Côte d´Ivoire : L’émergence de la colère electrique des ivoiriens »
24 juillet 2016
Titre et introduction la rédaction
Akondanews.net