Peut-on construire un avion aujourd’hui sans la Russie ?

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1492- Guerre en Ukraine – Peut-on construire un avion aujourd’hui sans la Russie ? Pas si sûr ! la Russie peut riposter aux sanctions en clouant au sol les usines Airbus et Boeing !
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Extrait de la leçon d’intelligence stratégique n° 1492 de Jean-Paul Pougala publiée pour la première fois le 18/08/2022, à lire dans son intégralité sur www.pougala.net
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Après la 13ème vague de sanctions américaines contre la Russie…

VOICI CE QUE J’ÉCRIVAIS IL Y A 2 ANS, LE 18/08/2022 !
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Peut-on construire un avion aujourd’hui sans la Russie ?

C’est plus ou moins, le titre d’une des 24 conférences qui s’est tenue le 7 juin 2022 au Paris Air Forum 2022 , à la Maison de la Mutualité à Paris, où des milliers de décideurs de l’aéronautique, de la défense et du spatial, se sont donnés rendez-vous pour plus de 40h de direct.

Et làbas, l’une des 24 table-ronde tentait de :

« trouver les moyens pour moins dépendre des importations russes de titane, un métal stratégique pour l’aéronautique, après les sanctions occidentales à l’égard de Moscou en réponse à l’invasion de l’Ukraine ».

Son thème était plus précisément : « comment faire un avion sans la Russie ? »

Le lendemain, le 8 Juin 2022, dans les colonnes du quotidien économique français La Tribune, le journaliste Robert Jules, rapporte les propos de Raphaël Danino-Perraud, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (Ifri), qui a répondu à la question par une phrase lapidaire :

« Fabriquer un avion sans la Russie, c’est possible, mais tous les avions, c’est impossible ».

Mais Pourquoi une telle question ?

Nous allons tenter d’y répondre par une série d’autres questions :

Combien de passagers savent que si en 2022, leur compagnie aérienne préférée leur offre de transporter 2 bagages en soute au lieu d’un seul comme il y a 20 ans, c’est grâce aussi et surtout à la Russie ?

Combien de consommateurs savent que si aujourd’hui avec leur contrat « Prime » leur permettant de recevoir leur colis gratuitement et en peu de temps de chez Amazon, c’est grâce aussi à la Russie ?

Combien de voyageurs en Europe et aux Etats-Unis, savent que leurs vols low-cost d’à peine 20 euros un Paris-Rome, de chez Vueling, Wizz, Easyjet, Ryanair, cela n’est possible que grâce aussi à la Russie ?

En effet, grâce à l’alliage en titane, les avions sont de plus en plus légers. Non seulement cela permet de consommer moins de carburant, mais aussi de transporter plus de bagages en soute, mais aussi de transporter plus de marchandises dans les avions cargo.

Qu’ont-ils en commun : les fusées Ariance 5, Falcon 9 de SpaceX, Saturn, Soyouz, les chasseurs Sukhoï, F-35, Airbus A-350 et le Dreamliner, 787 de Boeing ?

De commun, ils ont tous : Verkhniaïa Salda, c’est une ville de l’oblast de Sverdlovsk, en Russie, siège de l’entreprise publique russe VSMPO-AVISMA qui est le principal fournisseur mondial de titane et qui a mis au point depuis 1941, des alliages spéciaux qui permettent aux avions et aux fusées de consommer moins de carburant, parce qu’ils sont très légers tout en restant très résistants.

Si la Russie a pris une avance sur les autres pays dans la conquête de l’espace, c’est grâce à sa maîtrise du Titane, c’est grâce à l’alliage extra-dur VST 5553 dont seuls les ingénieurs russes de Verkhniaïa Salda ont le secret et qui est à la base du complexe militaro-industriel de la Russie.

C’est de Verkhniaïa Salda que part le titane pour réaliser le cadre des vélos du Tour de France, du Giro d’Italie, mais aussi le titane pour réaliser votre montre Rolex, votre voiture de course Ferrari, les prothèses dentaires de votre grand-père, sans oublier le cadre en titane de vos lunettes.

Que représente la Russie dans les fournitures pour les industries et sous-traitants européens et américains de l’aéronautique ?

Que fait-on avec le titane ?

Le titane, est un métal très léger, mais ultra résistant. Il entre dans plusieurs composants dans la fabrication des avions : trains d’atterrissage, moteurs, fuselage, tuyauteries hydrauliques à haute pression, le réseau d’air chaud utilisé pour le dégivrage, dans la fabrication des pièces de structure des avions civils et militaire, la fabrication du rotor des hélicoptères. Il est aussi utilisé pour fabriquer les moteurs et les réservoirs des propulseurs des fusées, etc.

Lorsqu’en mars 2022, l’Union Européenne interdit aux avions civiles russes de survoler le ciel de l’Union Européenne, se sont-ils rappelés que sans la Russie, leurs propres avions ne peuvent pas voler puisque l’essentiel des pièces de rechange de tous ces avions Boeing et Airbus, sont faits en alliage de titane provenant de Verkhniaïa Salda ?

Par exemple, si le réseau d’air chaud utilisé pour le dégivrage des avions n’est pas en titane, il risque de geler lui-même, ou de se rompre au passage brusque et répété entre le froid et le chaud. Et qui a été à l’origine des accidents d’avions dans le passé avec de nombreux morts, avant qu’on comprenne que la solution était de passer au titane plus stable.

Et la peinture des avions ?

Le dioxyde de titane fourni par la Russie est un pigment qui donne aux peintures utilisées sur l’extérieur des avions, des qualités protectrices et durables, puisqu’en raison de sa résistance à la lumière solaire, il garantit que la couleur des peintures ne s’estompe ou ne se détériore au fil du temps.

C’est exactement la cause du contentieux en cours entre Airbus et Qatar Airways.

la peinture incriminée sur un avion neuf pour trouver une alternative à la peinture au titane russe

Il y a un an jour pour jour, en Août 2021, la compagnie aérienne Qatar Aiways décide de clouer au sol treize appareils A-350 et à réclamer 200 000 dollars d’indemnisation par avion et par jour à Airbus. Raison invoquée : défauts de peinture ou plus précisément, « dégradation de la surface des fuselages. »

Airbus reconnait le problème. L’Easa, l’Agence européenne de la sécurité aérienne a elle aussi reconnu le problème.

Mais d’où vient ce problème de dégradation de la surface des fuselages ?

Je crois que la faute est à la Russie.

Car la peinture en question est habituellement faite en Titane et c’est la Russie qui contrôle plus de la moitié de la production mondiale de ce matériau.

Depuis 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, tous les fabricants d’avion comme Airbus et Boeing craignent que la Russie réagisse aux sanctions de l’Occident contre elle en leur coupant l’approvisionnement en Titane.

Et c’est depuis lors qu’ils cherchent en toute confidentialité, une alternative à la Russie ou à défaut, une alternative au titane russe.

Et dans ce cas de la surface des fuselages des avions Airbus, A-350 livrés à Qatar, cela a plutôt mal tourné et non seulement Qatar Airways a cloué au sol tous ses 13 avions A-350, mais elle a aussi suspendu l’achat des 19 avions en cours, pour passer une commande de 20 milliards de dollars à Boeing.

Mais est-ce qu’avec Boeing ce problème sera-t ’il évité ? Pas si sûr.

Il y a deux semaines, plus précisément le 4 Août 2022, fait très rare, c’est Airbus qui annule le reste des 19 avions A350 commandés par Qatar Airways. Il s’agit de 19 long-courriers d’une valeur totale de 7 milliards de dollars, au tarif catalogue.

Airbus n’a toujours pas donné d’explication pour que le fuselage des 13 avions soit recouvert d’une peinture sans le titane russe.

Revenons à la question du départ :

Peut-on construire un avion aujourd’hui sans la Russie ?

A cette question, j’ai déjà utilisé la voix des spécialistes en aéronautique pour répondre par non. Mais je n’ai pas dit pourquoi ?

Et surtout, pourquoi il est si difficile, pour ne pas dire, impossible de trouver une alternative au titane russe, la priorité pour la filière aéronautique européenne et américaine depuis le début de la guerre en Ukraine ?

Il y a 30 ans, les moteurs d’avion décrochaient en vol de l’aile.

Depuis, 20 ans, les nacelles et les pièces de raccordement sur l’aile des moteurs des avions utilisent les alliages de titane, plus légers et en même temps plus résistant à la chaleur et au froid, ce qui a réduit les accidents d’avion causés par les décrochages des moteurs des ailes.

Si Airbus et Boeing vantent les prouesses et l’économie de consommation de leurs deux nouveaux avions, A350 et B787, c’est parce que ce sont les avions avec la plus grande utilisation de pièces en alliages de titane (jusqu’à 20% du poids total de l’avion).

Dans le quotidien français Le Figaro du 14/03/2022, dans un article intitulé :

« Comment l’aéronautique s’organise pour trouver des alternatives au titane russe »

Véronique Guillermard écrit :

« Trouver une alternative au titane russe: c’est devenu une priorité pour la filière aéronautique européenne depuis la guerre en Ukraine. »

Selon les propos du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas), « ses adhérents consomment 25.000 tonnes de titane par an, dont l’essentiel est importé de Russie.

Précisément auprès de VSMPO, numéro un mondial de la spécialité. La dépendance au titane russe atteint 50 % pour Airbus et le motoriste Safran, et 80 % pour certains sous-traitants, comme Aries Industries (pièces pour l’aéronautique) ».

Et Gifas de préciser que ses adhérents disposent des stocks de titane, seulement jusqu’en Automne prochaine, c’est-à-dire en novembre 2022, si la Russie décidait de leur couper les livraisons de titane.

Dans un rapport remis en 2020 au ministère français de la Transition écologique l’expert Pierre-François Louvigné écrit :

«La consommation de titane matière légère et résistante, a augmenté de 9,7 % par an depuis 2015, grâce à la demande aéronautique (…). En 2019, elle a atteint 162.000 tonnes, dont 45 % pour le marché aéronautique et 8,5 % pour le marché militaire ».

Le vrai problème des occidentaux n’est pas seulement que la Russie est le 1er producteur mondial de Titane. Pire que non seulement le groupe le groupe russe VSMPO-Avisma dont le patron de VSMPO, Sergei Chemezov, est un ex-agent du KGB et qui détient 25 à 30% du marché mondial, est un groupe publique créé en 1941, mais que cette entreprise appartient à 66% à Rosoboronexport, l’agence russe chargée des exportations du complexe militaro-industriel russe créé par décret par le Président de la Russie, Vladimir Poutine, le 4 novembre 2000, c’est-à-dire, dès son arrivée à la présidence de la Fédération de Russie.

Qu’est-ce que ça change ?

D’un côté les occidentaux envoient les armes à l’Ukraine pour combattre la Russie, décrètent des sanctions soi-disant pour tuer l’économie russe et de l’autre, pour continuer à fabriquer leurs avions civils et militaires, leurs hélicoptères civils et militaires, leurs sous-marins, ils doivent traiter obligatoirement avec Rosoboronexport, principal propriétaire de VSMPO-Avisma.

Et si la Russie cible de leurs sanctions, en représailles, décidait de faire comme eux : de limiter ou tout simplement de couper ses exportations de Titane !

La quasi-totalité des moteurs des avions civiles et militaires sont fabriqués aujourd’hui, grâce au savoir-faire des ingénieurs de VSMPO-AVISMA qui ont mis au point différents alliages comme le titane + l’aluminium, le titane + l’acier et sur son site web, www.vsmpo.ru, on peut lire que c’est cette maîtrise unique au monde qui fait de l’entreprise publique russe, « le principal fournisseur de pièces en alliage de titane pour de : Boeing, Airbus, Safran, Embraer, Goodrich, Snecma Moteurs, Rolls Royce, Pratt & Whitney etc »

Mais ce n’est pas tout. Toujours sur le site de l’entreprise, on peut aussi lire que : « VSMPO-AVISMA est le principal fournisseur mondial du titane pour la construction mécanique, l’industrie chimique, la production d’énergie, dont l’énergie nucléaire, fabrication d’implants chirurgicaux etc ».
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Jean-Paul Pougala

Dimanche le 25/02/2024

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